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« Une prévention adéquate devrait réduire l'influende des gènes »

Changer l’approche. Lors de la deuxième Conférence des parties prenantes Addictions organisée par l’OFSP, le Prof. David Lätsch a tenu une présentation sur le thème de l’addiction et de l’égalité des chances. Il appelle les professionnels de la prévention à privilégier les mesures qui tiennent compte de la situation personnelle plutôt que de formuler des recommandations générales. Les travaux de recherche du Prof. Lätsch se concentrent sur les enfants et les adolescents.

Qu’entendez-vous par « prévention sélective » ?

Il faut cibler les efforts de prévention sur les groupes à risque lorsqu’ils ne sont pas encore touchés par une consommation problématique. En clair, cibler les jeunes dont on suppose qu’ils développeront très probablement un problème de dépendance. Le travail de prévention les concernant devra tenir compte de ce risque spécifique.

Vous avez évoqué les facteurs génétiques prédisposant à la dépendance. Quel est le rôle des gènes dans la prévention des addictions ?

S’agissant des facteurs environnementaux, il faut s’intéresser aux conditions et au cadre dans lesquels les jeunes ont grandi et au statut socioéconomique des parents. En ce qui concerne les prédispositions, il s’agit de connaître le patrimoine génétique des jeunes et leur incidence sur la vulnérabilité à la dépendance. La principale découverte de ces trente dernières années est qu’il faut tenir compte de ces deux aspects pour pouvoir expliquer efficacement la dépendance. Il ne faut jamais opposer la nature et l’environnement.

Comment appliquer ces enseignements à la prévention ?

En connaissant mieux les facteurs de risque environnementaux et les prédispositions ainsi que les interactions, on peut identifier les personnes particulièrement vulnérables. Mon approche ne se concentre pas uniquement sur le repérage des jeunes les plus exposés, mais s’intéresse aux formes de prévention qui intègrent déjà les risques individuels et une manière spécifique d’y répondre.

Avez-vous un exemple de cette prévention sélective axée sur les prédispositions ?

Il existe le projet « Preventure », développé au Canada et actuellement testé aux Pays-Bas. Ce projet vise à déterminer la prédisposition à la dépendance des jeunes en se fondant sur des traits de personnalité. À titre d’exemple, citons une grande impulsivité, une forte propension au risque, une anxiété marquée ou encore des tendances dépressives. Le travail de prévention est modulé en fonction du type de risque.

Cette approche emprunte toutefois une voie détournée avant d’aboutir aux prédispositions.

C’est juste. Cela tient au fait que nous ignorons encore assez largement quels gènes influencent le risque d’addiction. D’abord, le patrimoine génétique est très vaste. Ensuite, l’effet d’un gène dépend de la présence d’autres gènes et de facteurs environnementaux. Un même gène peut déployer un effet différent selon l’individu et ses conditions de vie. Cette hétérogénéité complique fortement les recherches.

L’identification de « gènes responsables de la dépendance » comporte également des risques non négligeables, notamment celui de stigmatiser une personne qui n’aurait peut-être jamais développé d’addiction.

La question de la pertinence du séquençage génétique pour connaître les prédispositions d’une personne se pose effectivement. Une réaction possible serait que la personne se dise que si elle présente tel risque génétique, son comportement ne joue plus aucun rôle. Ce serait une sorte de « prophétieautoréalisatrice ». On pourrait être discriminé si d’autres venaient à l’apprendre. À l’avenir, il faudra vraisemblablement éduquer les gens aux corrélations entre gènes et environnement, pour contrer ces phénomènes. Il faudrait que le sujet soit abordé à l’école.

Pourquoi voulez-vous en savoir plus sur les gènes malgré ces préoccupations ?

Je pense que cette approche renferme un énorme potentiel. L’approche génétique est déjà pratiquée dans l’étude des comorbidités. Prenons le TDAH. Il existe souvent un lien entre TDAH et addiction. Cela tient vraisemblablement au fait que la consommation de substances addictives est un moyen, pour les personnes concernées, de gérer leurs symptômes. Il ressort toutefois d’analyses génétiques que ce sont les mêmes gènes qui accroissent la vulnérabilité au TDAH et aux addictions. Nous devons mieux comprendre ces corrélations pour mieux cibler les efforts de prévention. Dans le cas contraire, nous risquons de nous battre contre des pseudo-causes, comme Don Quichotte contre les moulins à vent.

Les gènes ne sont donc pas les seuls responsables ?

Le développement d’une addiction ne dépend, bien évidemment, pas des seules prédispositions génétiques. Dans la recherche, le degré d’influence des gènes sur une addiction est appelé héritabilité de la dépendance. Le constat est intéressant : l’héritabilité dépend largement des facteurs environnementaux ! Selon l’environnement, les gènes présentent plus ou moins de probabilités de créer des différences entre les gens. Nous devons tenter de diminuer l’héritabilité en réagissant correctement aux prédispositions génétiques.

Il existe visiblement un nombre quasi incalculable de facteurs d’influence. Face à une telle complexité, peut-on encore toucher au but ?

La prévention ne vise pas fondamentalement à empêcher un phénomène. Il s’agit bien plus de procéder pas à pas en comprenant toujours mieux les mécanismes en jeu et en explorant de nouvelles voies. Cette démarche permet de réduire les risques et de mieux individualiser les mesures, même si l'on ne comprend pas le phénomène dans sa globalité.

Que recommande le chercheur que vous êtes aux praticiens de la prévention ?

Je pense qu’il faut éviter de formuler des recommandations générales et selon le principe de l’arrosoir. Le risque de dispersion est grand lorsqu’on traite des gens bien protégés contre un risque spécifique. À l’inverse, on ne répond pas aux besoins des personnes effectivement menacées et qui nécessitent une action de prévention plus ciblée.

Contact

Simone Buchmann, Chargée de communication MNT,
simone.buchmann@bag.admin.ch

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